Productivité et condition ouvrière
L'augmentation de la productivité au XIXe siècle
L'accélération de la productivité est la loi même du progrès industriel.
L'utilisation de machines de plus en plus perfectionnées, en relation avec des sources d'énergie de plus en plus puissantes, eut pour conséquence immédiate l'amélioration de la productivité, c'est-à-dire l'augmentation des quantités produites dans un temps donné. L'amélioration de la productivité varia selon les branches, selon les pays et selon les époques, en fonction du progrès technique et de la généralisation des perfectionnements.
Aux Etats-Unis, dans les mines, on reconnaît facilement trois phases : accroissement rapide de 1825 à 1850, palier de 1850 à 1870, nouvel accroissement après 1870.
En Allemagne, dans la fabrication de la fonte brute, les progrès de la productivité sont très rapides après 1850 (graphique ci-contre en haut).
Dans les mines de charbon, en Allemagne, la productivité stagne jusqu'aux environs de 1855, puis progresse rapidement dans la seconde moitié du siècle (ci-dessous).
Quand la productivité augmente, la durée du travail diminue.
Au début de la révolution industrielle,- des journées de 12 à 14 heures étaient courantes, en principe du lever au coucher du soleil pour économiser l'éclairage, donc variables selon les saisons. Les premières enquêtes parlementaires anglaises, comme les premiers « reporters » sociaux français (Villermé, Buret, Villeneuve-Bargemont), dénoncent l'exploitation éhontée des travailleurs, et surtout des femmes et des enfants. Ainsi naquit l'idée de limiter la durée du travail pour ces deux dernières catégories. Après 1850, la durée de la journée baisse lentement, jusqu'à 12 heures d'abord, puis jusqu'à 10 heures. A la fin du XIXe siècle, une des revendications des syndicats nouvellement créés est la journée de 8 heures qui, en France, ne s'imposera qu'au lendemain de la Grande Guerre. On passe ainsi de la semaine de 72 heures à celle de 60, puis de 48, en attendant le développement de la civilisation des loisirs, contrepartie de l'industrialisation poussée.
Le graphique ci-dessous retrace l'évolution de la durée moyenne du travail journalier, en Allemagne dans la seconde moitié du XIXe siècle.
Source J. KUCZINSKI Der Geschichte der Loge der Arbeiter unter der Kapitalismus, Berlin, 1960...
Dans l'industrie cotonnière du Royaume-Uni
Le Royaume-Uni fut, par excellence, au XIXe siècle, le producteur d'articles en coton vendus dans le monde entier, et l'industrie cotonnière elle-même est la plus typique de toutes celles qu'engendra la révolution industrielle. Comme le montre le tableau des emplois ci-contre (1835), elle était concentrée en Angleterre et, à l'intérieur de celle-ci, dans le Lancashire. Sur les 180 000 travailleurs cotonniers de l'Angleterre proprement dite, plus des deux tiers sont des femmes (F), des jeunes gens de 13 à 18 ans (J.G.) et des enfants (E). Ce caractère s'explique d'abord par la nature de la main-d'oeuvre disponible : une nombreuse population, tant masculine que féminine ou enfantine, se trouve sans emploi. Ensuite, les salaires féminins sont plus bas que les salaires masculins, et ceux des enfants, encore plus réduits. Enfin, la souplesse et l'agilité des enfants et des jeunes sont très appréciées dans un travail où il faut souvent se mouvoir sous ou derrière les machines. (voir planche 15)
|
Hommes |
Femmes |
Jeunes gens |
Enfants |
Angleterre |
50675 |
53410 |
53843 |
24164 |
Pays de Galles |
250 |
458 |
354 |
89 |
Ecosse |
6168 |
12403 |
10442 |
4082 |
Irlande |
960 |
1553 |
847 |
436 |
Total |
58053 |
67824 |
65486 |
28771 |
Source : A statistical account for the British Empire. Documents publiés par le Ministère du Commerce, Londres, 1837; cités par J. Kuczinski : Les origines de la classe ouvrière. Paris, Hachette, 1967.
La productivité augmente très fortement après 1830
base 100 : moyenne des années 1829-1831
|
nombre d'heures |
production par ouvrier |
1829-1831 |
100 |
100 |
1844-1846 |
87 |
372 |
1859-1861 |
87 |
708 |
1880-1882 |
82 |
948 |
Le nombre d'ouvriers par machine décroît :
pour 1000 broches
1836 : 10 ouvriers
1850 : 7,5 ouvriers
1865 : 3,6 ouvriers
1893 : 3 ouvriers
Le nombre de métiers par ouvrier s'élève :
pour 1 ouvrier
1820 : 0,9 métier
1850 : 1,2 métier
1878 : 2,3 métiers
1885 : 3,4 métiers
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